EN BREF
|
Décryptage des indicateurs environnementaux en entreprise examine comment les promesses liées aux COP et aux exigences de responsabilité sociale conduisent à la mise en place d’outils et d’indicateurs pour mesurer et réduire l’impact environnemental des organisations. Bien que ces systèmes structurent les démarches de développement durable, leur efficacité est remise en question par leur tendance à compartimenter les problèmes, à induire de nouveaux défis et à favoriser des comportements contre-productifs. Le rapport souligne la nécessité d’une approche plus systémique et collaborative, tout en mettant en lumière l’importance de la vigilance face aux limites de ces outils.
Les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, se trouvent aujourd’hui face à un impératif environnemental pressant. Dans un contexte où le changement climatique devient une réalité contemporaine, les indicateurs environnementaux se révèlent être des outils essentiels pour quantifier l’impact des activités humaines. Cependant, leur efficacité et leur pertinence soulèvent de nombreuses questions. Entre les promesses faites lors des COP et les enjeux de responsabilité sociale des entreprises (RSE), le temps est venu de décortiquer ces indicateurs et d’évaluer leur véritable rôle dans la structuration des démarches de durabilité.
La nécessité de mesurer l’impact environnemental
Au cœur des préoccupations contemporaines, le changement climatique exige de chaque organisation un examen rigoureux de son impact environnemental. Pour cela, une maxime s’impose : « ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas ». Cette notion pousse toutes les entités à déployer des systèmes de mesures permettant de cartographier leurs émissions de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres indicateurs environnementaux. Les démarches de développement durable doivent donc s’accompagner d’outils de mesure fiables pour justifier et optimiser les actions mises en place.
Les obligations réglementaires et les engagements internationaux
Dans le cadre du Green Deal et des engagements pris lors des différentes COP, les organisations sont soumises à de nouvelles obligations règlementaires en matière de réduction des GES et de durabilité. Par exemple, l’accord de Paris stipule des objectifs mesurables portant principalement sur la réduction des émissions de GES. Ces obligations se traduisent par des exigences de transparence accrue et de reporting environnemental.
En France, les entreprises privées de plus de 500 salariés doivent réaliser un bilan de leurs émissions de GES, créant ainsi un besoin crucial de systèmes de management environnemental. Cela fait écho au besoin croissant des parties prenantes, y compris des clients, investisseurs et régulateurs, d’obtenir des informations tangibles sur l’engagement environnemental des entreprises. La correspondance entre les objectifs internationaux et les réalités locales rend indispensables la mise en place de systèmes de reporting clairs et efficaces.
Les systèmes de mesure et leurs limites
La mise en place de systèmes de mesure de l’impact environnemental peut vouloir dire qu’on s’éloigne parfois de l’objectif final. Bien qu’ils soient essentiels, ces indicateurs présentent des limites. Tout d’abord, leur application peut réduire des problématiques complexes en bordures d’action simplistes, conduisant à une vision compartimentée des enjeux. Cela peut entraîner une tendance à négliger des sources d’émissions perturbatrices ou à occulter des aspects moins visibles mais cruciaux dans la perspective du développement durable.
L’empreinte carbone : un indicateur central mais discuter
Parmi les outils de mesure des émissions de GES, l’empreinte carbone est sans conteste l’une des plus répandues. Ce système permet d’identifier et de quantifier les différents sources d’émission au sein d’une organisation selon trois périmètres : le scope 1 pour les émissions directes, le scope 2 pour les émissions indirectes liées à l’énergie consumée, et le scope 3 qui englobe les autres émissions indirectes à toutes les étapes du cycle de vie d’un produit ou service.
Cependant, cette segmentation peut inciter les responsables à limiter leur champ d’action à leur seule « sphère d’influence », en omettant d’envisager les effets globaux de leurs décisions. Par exemple, un acheteur pourrait se concentrer sur l’empreinte carbone de ses fournisseurs sans tenir compte des impacts plus globaux de ses choix d’approvisionnement. Ce type de compartimentage peut amener à des prises de décisions qui ne favorisent pas la logique de durabilité, mais qui se limite à la gestion des simples chiffres.
Un défi de communication et de standardisation
La question des indicateurs environnementaux ne se limite pas à leur mesure ; elle englobe également un défi de communication. Au sein des grandes organisations, l’absence de données communes sur les performances environnementales peut créer des disparités dans l’évaluation des bilans. Un récent baromètre montre que 70 % des directions achats estiment ne pas disposer de données suffisantes sur leurs marchés et fournisseurs, ce qui représente un frein au développement de la RSE.
À l’échelle mondiale, l’absence d’un cadre de référence partagé complexifie davantage cette situation. Les notations RSE varient considérablement entre les agences d’évaluation, augmentant ainsi la confusion des acteurs concernés. En même temps, des relations d’affaires entre clients et fournisseurs peuvent souffrir de méthodologies d’évaluation divergentes, rendant la création de stratégies communes extrêmement difficile. Un chemin vers la création d’un référentiel commun est impératif si l’on souhaite établir des bases solides pour une coopération véritable en matière de durabilité.
RSE et normes en vigueur : une réalité nuancée
Les systèmes de normes et labels de responsabilité sociale ont été établis pour encadrer les démarches RSE dans diverses organisations. Bien que ces mesures puissent offrir des avantages en termes de marketing et de structuration des démarches, il est essentiel d’évaluer leur impact réel sur les comportements et les pratiques environnementales. Loin de garantir une amélioration de la performance, ces systèmes peuvent parfois donner lieu à des rigidités opérationnelles qui limitent la capacité d’adaptation des entreprises face aux défis environnementaux.
Confrontés à la nécessité de respecter une multitude de normes, les managers peuvent développer une approche centrée sur la conformité, souvent en négligeant l’objectif ultime du développement durable. Une telle attitude peut aboutir à des décisions opportunistes, où la priorité est donnée à la « case cochée » plutôt qu’à un changement substantiel dans les pratiques organisationnelles.
Vers une dynamique d’engagement collective
Malgré ces défis, il existe de l’espoir et des possibilités d’évolution. Une meilleure connaissance et une prise de conscience des limites des systèmes actuels doivent inspirer une amélioration des pratiques. Il est crucial de voir au-delà des chiffres et des indicateurs, en s’attachant à la portée et à l’impact des actions menées. À ce stade, il devient évident que les outils de mesure, quoique nécessaires, doivent être repensés pour encourager un comportement responsable à une échelle plus large.
Les systèmes de gestion ne doivent pas devenir une fin en soi, mais constituer des tremplins pour encourager une véritable dynamique collective. Par-delà les systèmes, il est impératif d’encourager les échanges afin que les organisations puissent apprendre les unes des autres et développer des pratiques qui répondent aux enjeux environnementaux de manière plus systémique et moins compartimentée.
Conclusion sur les enjeux de l’avenir
Les enjeux de la durabilité et de la responsabilité sociale sont complexes et nécessitent un engagement sincère de tous les acteurs impliqués. Au fur et à mesure que nous avançons dans la lutte contre le changement climatique, il s’avère indispensable de développer des indicateurs cohérents et pertinents, à la fois au niveau local et global. Chaque étape prise dans ce sens nous rapproche d’une approche plus intégrée et systémique, essentielle pour naviguer vers une transition juste et durable.
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises cherchent à aligner leurs pratiques sur les engagements pris lors des COP. Toutefois, la compréhension des indicateurs environnementaux suscite des questionnements. Dans certaines organisations, des managers partagent leurs préoccupations quant à la surcharge d’indicateurs complexes qui rendent difficile la prise de décision.
Un responsable RSE témoigne : « Nous avons mis en place un système pour mesurer notre empreinte carbone, mais la multitude d’indicateurs nous empêche de voir la progression réelle. Nous finissons par nous concentrer sur des chiffres sans considérer concrètement l’impact de nos actions. Il est crucial de simplifier cet exercice. »
De leur côté, plusieurs salariés font état d’une forme de désillusion. Un membre de l’équipe opérationnelle souligne : « Nous avons souvent l’impression que les rapports que nous produisons ne servent qu’à répondre à des obligations légales. Cela crée un fossé entre les objectifs de développement durable et notre réalité quotidienne. »
Les discussions sur la responsabilité sociétale des entreprises mettent également en lumière les effets indésirables de ces indicateurs. Un cadre supérieur d’une entreprise de taille intermédiaire explique : « Nous faisons beaucoup pour réduire nos émissions, mais si nous continuons à évaluer notre succès uniquement via les KPIs, nous risquons de négliger d’autres aspects cruciaux, comme la transition vers des méthodes plus durables. »
Les leaders d’opinion soulignent que les systèmes de gestion doivent évoluer pour répondre aux véritables enjeux climatiques. Un expert en stratégies de développement durable avance : « L’enjeu n’est pas seulement de remplir des cases, mais d’adopter une vision systémique qui considère l’ensemble des pratiques de l’organisation et l’impact collectif sur l’environnement. »
Enfin, l’absence d’indicateurs communs pose une question de lisibilité des efforts. Un consultant en développement durable observe : « Les entreprises ont souvent des approches disparates pour mesurer leurs performances. Ainsi, il devient difficile de comparer et de progresser. Nous avons besoin d’établir un langage commun autour de la performance environnementale. »